Mahi Binebine, confidences exclusives pour la Tribune de Marrakech

Mahi Binebine Rue du Pardon, nouveau roman, nouvelle voix

Évidemment, on ne présente pas Mahi Binebine, et d’ailleurs, si vous voulez le rencontrer, la 1-54 African Art Fair devrait vous en fournir plus que l’occasion. Mais là, on parle de l’auteur, car il faut bien préciser, tant l’homme à d’arcs à ses flèches et vice versa. Rue du Pardon, son dernier roman, sort le 15 mars chez Stock et Le Fennec, sous la houlette éclairée de Layla Chaouni. L’histoire, Mahi l’a écoutée véritablement des lèvres fardées de son héroïne de danseuse marocaine, histoire sinueuse comme sa danse avec des cassures et des pauses comme des claquements de darbouka. On y parle djinns, sortilèges, et l’auteur ne semble pas en être sorti indemne tant la voix d’Hayat, « la vie », sa danseuse, semble sortir de ses doigts. Alors, forcément on retrouve ces portraits de femmes attachantes et cruelles, des femmes initiatrices, tendres, dominatrices ou jalouses, si propres à la culture et fatalement l’écriture « marocaine ». Mais même Mahi se fait mener par le sortilège de son héroïne, et se retrouve avec un personnage de grand-père aussi incontournable que la tendresse qu’elle lui porte. Cela pourrait être un énième portrait de danseuse orientale avec la pauvrement salace ambiguïté que d’aucuns y mettent, mais ici, on rentre dans la vie folle d’une vraie Cheikha, chant, danse, envoûtement et don de soi, du cabaret berlinois à la version « Geisha avec tambourins et crotales ». Et c’est encore mais surtout l’écriture de Binebine, idées au bout des doigts, traits d’humour au bord des yeux, toujours bienveillants, avec cette acuité qui comprend, accepte, explique. La truculence vitale qui ne vous fait que plus encaisser l’uppercut de ces phrases qui touchent purement au cœur. Hayat et Mahi se sont bien trouvés, et nous avons de la chance que la voix et la danse de l’une aient rencontré le regard et la poésie de l’autre.

C.C.

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